• Chapitre 0

    La nuit pointait son nez quand enfin sa silhouette se démarqua en haut de la route. Il ne voulait qu'une chose : pouvoir se recueillir sur cet endroit. Celui où il avait grandi. Aujourd'hui condamné. Cela faisait quatre saisons maintenant ou peut-être seulement trois. Sa vie de chien l'empêchait de se souvenir de la durée précise de ce douloureux moment. Il avait d'abord joui de sa liberté d'homme. Il avait traîné par-ci par là. Il suivait ce qu'un autre homme lui avait appris : briser des vies. Pas d'attache, pas de mensonge sur le passé, rien que cette douce vengeance sur le genre humain. Malheureusement, il s'était vite lassé de cette supercherie qui plaisait tant aux hommes, aux vrais. Après tout il était d'une espèce très noble. Il devait honneur aux siens et à tous ceux qu'il avait abandonné.

    Une pluie torrentielle s'abattit sur le grand cimetière de la ville. Vous savez ces pluies de la mi-saison, courte mais surprenante par leurs violences. À cette heure-ci personne ne pouvait le voir. Il était là, nu comme un vers. Il pouvait ainsi mieux sentir la pluie et le froid glisser sur son corps. Mieux pleurer. Assis devant ce trou ressemblant à un terrier de renard mais qui était la seule porte vers un monde dont personne n’aurait pu soupçonner l’existence. Les larmes obligeaient sa vraie nature à reprendre le dessus et il se mit à hurler de douleur. Il resta las de tout. Revoyant les derniers moments merveilleux de sa vie d'avant. Elle était morte et ne reviendrait jamais. Jamais. À cause de lui. Cette idée le faisait trembler de tous ses membres. Il avait goûté à un bonheur avant de tout perdre et se retrouver dans ce monde inconnu où l'hiver était bien plus rude que chez lui. Là où personne ne fait attention à personne. Chacun pour soi comme on dit. Pourquoi était-il ici, en vie ? Il aurait préféré mourir, sur le coup ou à la place de cette personne. Elle. Personne ne lui ressemblait ici. Il faut dire, qu'il était dur d'être plus comique que ses maladresses qui le faisaient tant rire autrefois. Y a-t-il un Dieu quelque part pour réparer toute cette injustice ? Il l'avait hurlé plus d'une fois mais n'avait obtenu aucune réponse. Du moins, pas avant ce fameux soir sous la pluie...

    Pour la première fois depuis longtemps, une petite voix se fit entendre au coeur de ses entrailles. L'instinct dit-on pour certaines occasions. Il perçut quelque chose : des pleurs et les battements d'un coeur angoissé. Il crut un instant avoir été exaucé et accouru pour rejoindre celle qu'il aimait. Il le savait, malgré la pluie, que seul quelqu'un de pur comme elle l'était, pouvait lui faire ressentir une telle intensité de sentiment. Un grondement étrange. Le temps de voir la voiture sans phare, aveuglé par ses sentiments, la voiture le percuta suffisamment pour le jeter à terre. Une forte lumière l'aveugla. Il n'arrivait pas à reprendre ses esprits, s'apprêtant à incendier l'idiot qui roulait sans feux en pleine nuit. C'était une jeune fille toute tremblante. Elle n'arrêtait pas de s'excuser. Il voulut la gronder mais s'arrêta net en voyant qu'elle pleurait. Quelque chose se dégageait ce son visage pale. Il resta sans bouger à la contempler, il avait l'impression de se voir lui-même à travers elle. Cela lui glaça le sang. Cette idée le dégouttait d'avance. Tout s'embrouillait dans sa tête et il ne comprit pas ce qu'elle lui disait avant de s'en aller. Il se souvint seulement qu'avant de le laisser, au milieu d'une route trempée, elle déposa un parapluie et son propre manteau sur lui pour que la pluie ne l'atteigne plus.
    - Ridicule.

    Lorsqu'il reprit connaissance, il était en train d'être examiné par un médecin, il s'empressa de la menacer s'il touchait ne serait-ce qu'une parcelle de son corps. Tout son corps semblait paralysé. Il est vrai qu'il n'avait pas mangé depuis plusieurs semaines et n'avait fait que marcher sans se reposer. Il lutta par réflexe mais dès qu'il entendit la jeune fille dire qu'elle s'occuperait de lui, tout son corps tomba dans un profond sommeil, comme s'il s'agissait du signal pour enfin se reposer en toute quiétude. C'était quelque chose qu'il n'avait jamais pu faire depuis son arrivée ici. Ainsi commença cette rencontre entre deux êtres tristes et seuls dans leur vie.

     

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  • Commentaires

    1
    Amnesie
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 12:57
    Wow. J'adore ton style d'écriture !! C'est fluide et ça donne envie de continuer à lire. Continue !
    2
    Dimanche 20 Décembre 2020 à 14:53
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